Délivrance à distance : enjeux éthiques

Les développements suivants constituent le résumé de mon intervention à Pharmagora (30 mars 2014) au sein de l’atelier « Prescription et délivrance à distance : sécurité et confidentialité en jeu », organisé par l’AFPC (association française des pharmaciens catholiques).

 

Etat des lieux de la règlementation

La vente en ligne de médicaments est réglementée depuis longtemps par le droit communautaire. Notamment :

Article 85 quater de la directive 2001/83/CE modifiée par la directive 2011/62/UE, arrêt Doc Morris.

En France :

Ordonnance n°2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments

Décret n°2012-1562 du 31 décembre 2012 relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et à la vente de médicaments sur internet

Et surtout :

Arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation de médicaments par voie électronique

Des contentieux sont en cours mais ont pour objectif de lever les restrictions au commerce électronique de médicaments contenues dans cet arrêté.

 

Principales dispositions

Qui peut vendre des médicaments sur internet ?

  • Seules les pharmacies d’officine peuvent mettre en ligne un site internet de vente de médicaments (+ pharmacies mutualistes et pharmacies de secours minière).
  • Les pharmacies doivent disposer d’une licence et être effectivement ouvertes ( L 5125-35 CSP).
  • En conséquence, la vente en ligne de médicaments par les pure players est interdite : il faut que le site internet soit adossé à une officine en dur (brique et mortier). Dans d’autres pays d’Europe (GB), la vente de médicaments par les pure players est autorisée.
  • Il est interdit de se regrouper à plusieurs officines pour créer un site de vente en ligne de médicaments. Une officine = un site internet. En cas de regroupement de deux officines disposant chacune de leur site web, seul un site internet pourra être conservé.
  • La sous-traitance de la vente de médicaments à des tiers est interdite.

Les médicaments autorisés à la vente sur internet sont les médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire.

 

Sécurité du patient

Les dispositions législatives et règlementaires prennent en compte l’intérêt du patient.

Il doit d’abord savoir si le site internet sur lequel il envisage d’acheter des médicaments est bien autorisé.

  • La mise en ligne d’un site internet de vente en ligne de médicaments ne peut intervenir sans autorisation préalable de l’ARS et information de l’Ordre,
  • Le patient peut vérifier sur le site du CNOP si le site est autorisé, et un logo européen devrait voir le jour,
  • Les mentions légales du site internet permettent au patient d’identifier l’officine (« accès facile, direct et permanent »).

Les données de santé personnelles au patient sont protégées car le site internet doit impérativement être hébergé chez un hébergeur agréé par l’ASIP santé.

Et surtout : le pharmacien a un devoir de conseil particulier lorsqu’il est amené à délivrer un médicament qui ne requiert pas de prescription médicale (R 4235-48 CSP).

→ Comment se concrétise le conseil pharmaceutique sur internet :

  • Le patient doit disposer sur le site internet d’un espace privé intitulé « mon compte » permettant de l’identifier, et surtout, avant toute vente, il doit renseigner : son âge, poids, sexe, ses traitements en cours, ses antécédents allergiques, et, le cas échéant, son état de grossesse et d’allaitement. Une actualisation du questionnaire est proposée à chaque commande.
  • Le site doit être conçu de façon à ce qu’aucun médicament ne puisse être venu sans qu’un échange interactif ne soit rendu possible entre le pharmacien et le patient avant la validation de la commande. Interdiction des réponses automatisées.
  • Le pharmacien doit délivrer une information et un conseil pertinent et approprié, en  » insistant sur l’essentiel : type de médicament dispensé, action du produit, posologie, moment de prise et durée du traitement« . Précisions sur les contre-indications et les effets indésirables. Refus de dispenser le médicament et orientation du patient possibles dans les conditions de droit commun.
  • Comment ? en utilisant le courrier électronique ou une boite de dialogue en ligne (échanges simultanés). « aucun enregistrement d’images, de films et de bandes sonores ne doit être réalisé ».
  • Le patient doit être mis en mesure de pouvoir poser des questions complémentaires au pharmacien qui a l’obligation d’y répondre. Le patient doit pouvoir imprimer ses échanges avec le pharmacien (responsabilité…).

 

Enjeux Ethiques

→ La sécurité du patient est-elle suffisamment assurée par les contraintes imposées par la loi ?

→ Le conseil pharmaceutique peut-il convenablement être assuré à distance ?

  • La question de l’identification du patient. Usurpation d’identité.
  • L’absence de présence physique du patient limite nécessairement la perception qu’en a le pharmacien, notamment au regard des nouvelles missions du pharmacien.

L’arrêté du 11 juin 2013 déterminant la liste des tests, recueils et traitements de signaux biologiques qui ne constituent pas un examen de biologie médicale, les catégories de personnes pouvant les réaliser et les conditions de réalisation de certains de ces tests, recueils et traitements de signaux biologiques

les pharmaciens sont maintenant autorisés à réaliser en officine 3 tests biologiques : ceux de la glycémie, du diagnostic d’angine à streptocoque A et de la grippe.

  • L’absence d’espace de confidentialité du patient connecté dans un lieu public.

 

Christophe Courage
Avocat